Sexisme et harcèlement

Lutte, Musique

 

J’écris un petit article en urgence sur cette chanson du Soldat Rose 2 que je trouve absolument dangereuse.

Le Soldat Rose est une comédie musicale pour enfant plutôt connue en France, et comme tout ce qui fonctionne bien, elle a eu droit à un deuxième opus. Je me souviens du premier, il était plein de poésie, je l’aimais bien. Mais là, je tombe des nues.

Dans cette chanson d’Elodie Frégé est évoqué « le genre féminin » comme la plus belle histoire du genre humain. Alors j’imagine que le but au départ c’était de faire un truc genre « ode à ces filles délicates et jolies », le problème c’est que c’est un fail total. En tout cas, si le but était de flatter le genre féminin dans une idée d’empowerment, c’est un gros échec. A l’inverse, si le but était d’être sexiste et de renforcer la culture du viol, on est en plein dedans.

Sexiste ? Sexiste. Parce que clairement quand on insinue que LES filles dans leur généralité se font belles au cas où on les aborderait, que LES filles dans leur généralité se parfument au cas où les aborderait, ça revient à dire que les filles dans leur généralité se mettent à la disposition des garçons, que c’est un acte qu’elles font naturellement. Or c’est faux. Si cela arrive parfois, c’est parce que notre éducation nous a conditionnée à le faire, et malgré ce conditionnement, nous continuons à décider de vivre pour nous, et certainement pas pour eux.

Cette image de la fille qui se fait belle au cas où on l’aborderait, elle est terrible. Pour les filles qui n’auront pas l’impression de s’habiller et se maquiller *comme elle le souhaite et si elle le souhaite* pour elles mais pour les garçons, pour les filles qui ne veulent plus être harcelées dans la rue mais qui auront l’impression que cet harcèlement provient du fait qu’elles se sont apprêtées, pour les garçons qui jugeront qu’une fille apprêtée veut nécessairement qu’on l’aborde et ne se priveront pas de le faire.

Pourtant, on est à un tournant clef sur cette problématique de harcèlement de rue. Enfin, on commence à en parler et à réaliser le problème, enfin des politiques se posent des questions sur ce sujet (parfois, mais si, souvenez-vous, c’est arrivé je vous dis). Alors imaginez ma peine quand je lis :

« Les filles n’aiment pas qu’on les dérange
casque sur les oreilles partout
les filles n’aiment pas qu’on les dérange
mais coupent la musique au cas où. »

Non effectivement, les filles n’aiment pas qu’on les dérange. Mais ce n’est pas un stratagème. Elles ne couperont pas la musique « au cas où ». C’est devenu une technique connue pour éviter le harcèlement de rue que de se mettre un casque sur les oreilles en priant pour que ça marche. Et si l’on se retrouve à couper la musique, ça n’est pas au cas où, c’est que la technique n’a pas marché et qu’un mec est en train de lourdement nous harceler.

Ou encore :

« Les filles n’aiment pas qu’on les regarde
elles baissent les yeux
mais c’est un jeu
les filles n’aiment pas qu’on les regarde
elles baissent les yeux
mais c’est un jeu
mais c’est un jeu »

Elles baissent les yeux, oui. Pour éviter le harcèlement les filles baissent les yeux. Et non ça n’est pas un jeu. Nous ne baissons pas les yeux pour mieux les séduire, nous baissons les yeux par crainte. Je baisse les yeux, par crainte de me faire harceler ou agresser, et je me sens humiliée de devoir baisser les yeux.

Humiliée, c’est le mot. Humiliée de ne pas pouvoir bénéficier de l’espace public. Humiliée d’avoir peur dans la rue. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui une action Twitter, autour du hashtag #Cenestpasunjeu. Vous avez été beaucoup à me lire dernièrement, et j’aimerais vraiment qu’on entreprenne une action ensemble pour que ce genre de discours soit dénoncé, d’autant plus quand ils sont tenus auprès d’un jeune public.

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