Bonjour médias, n’avez-vous pas honte ?

Presse, Publicité, Radio, Télévision

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TW : sujet et images sensibles

INFO : Une pétition a  été lancée par un collectif pour le changement des pratiques dans les médias au niveau du traitement des violences sexuelles. C’est toujours cool quand certaines personnes se mobilisent contre les pratiques non éthiques. Mais pour que cela marche, il faut être nombreux à se mobiliser. Vous pouvez participer en écrivant vous aussi sur les pratiques des médias ou en signant cette pétition :

https://www.change.org/p/violence-sexiste-dans-les-m%C3%A9dias-changeons-les-pratiques?recruiter=19801150&utm_campaign=mailto_link&utm_medium=email&utm_source=share_petition


Aujourd’hui je termine le dossier « vulgarisation » de la culture du viol avec un pan de notre pop culture que personnellement je conchie amplement : les médias de masse. Je vais donc tenter d’être le plus objective possible mais je ne vous promets rien !

On va démarrer cet article par deux rappels. Premièrement, voici ce que nous dit l’article 222-23 du code pénal :

Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.

Deuxièmement, en terme de communication, sont déterminés comme médias de masse : la radio, la télévision, la presse, les affiches publicitaires et le cinéma (pour les pubs qu’on y passe). Nous allons donc aborder ces médias en terme de pubs et de contenus pour essayer de comprendre comment est *largement* véhiculée la culture du viol.


I – La presse magazine et ses injonctions :

Je ne sais pas si beaucoup d’entre vous lisent la presse féminine, en tout cas, personnellement, ça m’arrive. Quand je pars en vacances, rien ne me déclenche une fuite des cerveaux mieux qu’un article sexo de Cosmopolitan ou de Biba. Ca me fout bien les nerfs, je lance un autodafé sur la plage et je me laisse une semaine loin de mon combat, à me dorer la pilule au Soleil.

Car il n’y a pas plus rageant que de lire un article sexo. Plus rageant ou plus monotone, dépend de votre faculté à vous mettre la rate au court bouillon, j’explique : « 15 trucs et astuces pour LE faire grimper au rideau », « Sexo : IL nous aime quand … », « OUI, dire non renforce le plaisir », « 30 techniques pour relancer votre couple ». Ca vous parle ? Normal, on a là 90% des articles sexo. Et ils tournent tous autour du même enjeu : baiser comme une déesse, pour qu’il soit content, pour le bien de votre couple.

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Même dire non est une technique pour mieux dire oui. Et on s’étonne que les hommes pensent qu’on leur doit du sexe. Pourtant c’est partout dans les magazines censés nous être dédiés. Personnellement quand j’avais 16 ans, j’aurais préféré qu’on m’explique des trucs nouveaux plutôt que de m’apprendre pour la vingtième fois à faire la fellation parfaite. Des trucs utiles dans la vie de tous les jours quoi.

Mais non, ya une notion qui revient tout le temps dans les magazines féminins : nous devons être inventives, nous devons être disponibles, pour le bien de notre couple. Alors en soit, vous allez me dire que ce genre d’articles ne poussent pas expressément les hommes à violer, et vous aurez raison. Par contre, ils poussent les femmes à se forcer, en brandissant un tas de menaces diverses et d’injonctions.

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Une femme « normale » c’est une femme qui a envie de lui faire plaisir et qui se dévouera à la cause. Une femme « normale » elle donne du sexe pour recevoir de l’amour (les trucs et astuces pour sauver le couple c’est pas s’écouter et se faire confiance, qu’on se le dise tout de suite. Pas selon Cosmo en tout cas). C’est à tel point qu’il a fallu attendre mes 20 ans pour savoir qu’asexualité ne voulait pas dire « coincée catho » et que des gens de 50 balais me sortent clairement que « c’est pas possible de pas pratiquer ou vouloir de sexe ». Bah non, si t’écoutes Biba, pas possible.

Ces injonctions pèsent vraiment sur les femmes. C’est courant d’entendre dire « il va falloir que j’y passe, ça fait longtemps » dans les couples où la libido est en baisse, ou d’entendre un homme dire « je sais qu’elle a pas envie mais elle demande quand même ». Et c’est peut être pas un « viol » (pour le commun des mortels c’en est pas un apparemment), mais c’est quand même une violence qui ne devrait pas être subie dans des rapports sains.


II – Le viol glamour :

L’hypersexualisation fait vendre. Tout et n’importe quoi. Les femmes sont nues pour du shampoing, on observe la trace d’une poitrine dans du chocolat, on peut vous mettre des femmes en petite tenue pour vous vendre du matériel informatique. Le sexe féminin fait vendre et est régulièrement utilisé comme objet.

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Cette objectification des femmes, elle contribue grandement à l’entretien de la notion que nous devons du sexe aux hommes et que nous sommes à leur disposition. Elle contribue donc à la culture du viol. Directement. Mais là où c’est encore plus inquiétant, c’est que l’objectification ne semble plus suffire et qu’à elle s’ajoute maintenant une glamourification du viol et des violences sexuelles. Dans la pub que l’on observe ci-dessus, il y a négation du consentement. Pourquoi ? Pourquoi reprendre des codes qui sont liés à des expériences extrêmement négatives ?

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La mode s’est lancée à une période dans des campagnes de pub se voulant être du mouvement « porno chic ». Mais le porno est un média qui véhicule majoritairement l’idée de soumission des femmes. Par conséquent, pour rendre cette soumission dans une image arrêtée, on observe souvent le choix de mettre une femme (ou plusieurs mais elles sont généralement en sous nombre par rapport aux hommes), en petite tenue, dans une position de dominée et entourée d’hommes. Et quand on imagine la suite de ces images, selon qu’on est ou non de mauvaise foi (ou pote avec DSK ou les « artistes » de l’hôpital de Clermont-Ferrand), on y voit une partie fine ou … une tournante.

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Je sais pas vous, mais personnellement, je me sens pas super à l’aise avec l’idée qu’on utilise le viol pour me vendre quelque chose. Et je me sens encore moins à l’aise quand on l’utilise pour une campagne de prévention. L’image ci-dessus peut être interprétée de deux façons : soit il s’agit d’un acte de domination assez fréquent dans le cadre d’une fellation, soit il s’agit d’une fellation forcée. Le but : choquer. En attendant, sans contexte, personnellement je le vis comme une image qui compare fumer avec subir une fellation forcée. Et ça m’étonnerait même pas que ce soit l’idée des communicants. Or, ce genre d’idée nauséabonde contribue à la banalisation d’un crime qui n’a pas besoin d’être banalisé car il l’est déjà amplement.

Le viol est banalisé à tel point que la plupart des gens ne sont même pas foutus d’identifier un viol. Le consentement apparemment est une notion floue pour le commun des mortels. Preuve en est certaines « positions » proposées par des magasines féminins pour épicer votre vie sexuelle : la « belle endormie », proposez à votre conjoint de vous prendre pendant votre sommeil. WHAT ? Relisons la définition du viol par le code pénal : Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par surprise est un viol. Si mon copain me réveille parce qu’il est en moi, j’appelle ça de la surprise, pas vous ?

Cela va de même pour ces plateaux télé où l’on embrasse de force un intervenant ou mime un acte sexuel sur l’un d’eux. Je ne sais pas si ça a vocation à être drôle, mais cette utilisation du corps, cette prise de contrôle forcée : utilisation de la force, blocage avec les mains etc. comme ressort comique est très problématique et représentative de la difficulté à identifier le consentement. Je vous mets en ressource une vidéo de Cécile de Ménibus parlant d’une situation dont elle a été victime et qui la choque encore, et il est hallucinant de constater que les éléments retenus de cette agression sont dans l’ensemble qu’elle a traité son agresseur de sous merde et que la situation était « osée » …


III – Se vautrer dans le victim blaming : la vocation des médias :

On va surtout évoquer ici les médias d’informations qui font un super travail en matière de victim blaming, merci les gars, on vous doit tout.

Parfois, je me demande comment les gens peuvent dire autant de conneries sur le viol, comment on peut imputer aux victimes d’être responsables plutôt qu’aux violeurs, comment on peut lire partout que ça va détruire la vie d’un tel ou un tel mais apparemment pas de la victime. Et puis je lis 20 minutes, et je comprends mieux.

Il y a deux parties à prendre en compte ici, le victim blaming via le slut shaming et le victim blaming prenant la défense du violeur. Et on va démarrer avec du slut shaming grâce à un magnifique article de 20 minutes :

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Dans cet article torchon, 20 minutes tente d’expliquer avec sa rigueur journalistique légendaire l’augmentation des viols en été. Bon déjà, il faut savoir que la thèse de base est un tissu de conneries, je vous mets un article de Crêpe Georgette en ressource qui en parle. Mais l’explication nouvelle et épatante est gratinée aussi : les tenues légères et l’ingestion d’alcool par les victimes seraient à l’origine de cette « augmentation ». Voila, la cause des viols ce n’est pas les violeurs, c’est les tenues légères et l’alcool.

Ce genre d’articles illustrent bien le problème des croyances qui se répandent dans la population : la cause des viols ce n’est pas les violeurs. Apparemment, les hommes sont incontrôlables et donc un certain nombre de précautions seraient à prendre. Le viol serait donc un genre de fatalité et on ne pourrait pas y faire grand chose. C’est intéressant de voir qu’alors qu’on a des ressources pour montrer que dans certaines cultures et sociétés, les hommes ne violent pas (du moins pas dans les proportions que l’on connaît et avec de vrais punitions si ils le font), les médias continuent à s’obstiner à expliquer que les origines du viol sont des variables liées à la victime.

De même le slut shaming prend une forme beaucoup plus pernicieuse dans certains articles via les précisions données sur la victime. Si elle est mère de famille, enceinte, vierge, cela sera précisé. A chaque fois. On vous dira pas si la victime a un chat, mais si elle a des enfants, on n’y manquera pas. Pourquoi ? Pour cette phrase « et en plus, elle est mère de famille ». Comme si c’était plus grave, comme si il y avait une gradation. On est pourtant d’accord pour dire qu’un meurtre est un meurtre, une torture est une torture. Alors pourquoi se sentir obligé de graduer les viols ? Pour laisser entendre que certaines victimes le méritent moins que d’autres. Et c’est un discours récurrent dans l’opinion publique d’entendre « en même temps elle rentrait de boîte » ou à l’inverse « la pauvre, sur le chemin du travail ». Cela développe une notion selon laquelle il y aurait des viols compréhensibles et d’autres moins.

Enfin, il est capital d’aborder le victim blaming des médias surtout ces derniers temps. Vous, moi, nous connaissons tous cette histoire du mec qui a eu sa vie détruite par une femme qui mentait et l’a accusé de viol. C’est fou ce qu’il peut y avoir comme menteuses hein ? Ya 75 000 viols par an en France,  11% des victimes portent plainte, 3% des plaintes vont au pénal, mais que de vies d’innocents détruites car punis à tort pas vrai ? D’ailleurs nous on sait qu’elle a menti, on était là, et puis Jean-Bidule c’est un mec sympa, les violeurs c’est écrit sur leur tronche. Fin bref, ce genre de réflexions inacceptables est fréquent chez les proches des violeurs, peut être que du coup on devrait pas les laisser intervenir à la radio ?

Quand Jean-François Kahn parle d’un troussage de domestiques à la radio parce que son grand copain s’est fait gauler, c’est une insulte ouverte à toutes femmes violées. Quand des journalistes regrettent que les affaires de viols (car il s’agit de viols pour chacune de ces affaires) ont atteint sa carrière, c’est une insulte. Il est de notoriété publique que DSK n’est pas un homme qui aime entendre « non », des affaires lui tombent dessus de partout et pourtant on en trouve encore pour prendre sa défense. Il a les moyens de se payer des avocats, de vivre confortablement même en liberté surveillée et c’est fascinant de voir que pourtant c’est sa défense que l’on prend face à ces femmes qui ont eu le courage de parler. Pourtant il n’a pas besoin de votre soutien, il n’ira jamais en prison. Elles par contre, souffrent une double peine chaque fois que vous ne les croyez pas.


Ressources :

– Le vautrage de 20 minutes : http://www.crepegeorgette.com/2014/07/15/20minutes-culture-du-viol-feminisme/

– Cécile de Ménibus sur son agression : http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/c-salut-les-terriens/pid7527-salut-les-terriens.html?vid=1162859

– Les cultures où l’on ne viole pas : http://antisexisme.net/2013/01/09/cultures-du-viol-1/

2 réflexions sur “Bonjour médias, n’avez-vous pas honte ?

  1. Si la presse féminine existe, c’est parce qu’elle se vend. Si elle se vend, c’est que les femmes l’achètent.
    Pourquoi est-ce que les femmes l’achètent ?

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    1. Pour la même raison que certaines personnes défendent des idéaux qui leur font du tort.
      Je ne juge pas celleux qui lisent la presse féminine, en fait je ne juge jamais ceux qui adhèrent aux oppressions qui les touchent je ne fais que dénoncer ceux qui les relayent.
      Pour répondre à votre question, certaines personnes donc, ont tellement intégré les oppressions dont elles sont victimes qu’elles nient que ces oppressions leur font du tort, voire ne considèrent pas que les oppressions leur font du tort. Si cette situation leur convient alors tant mieux pour ces personnes, mais la situation ne convient pas à un tas de personnes sortant du cadre de la norme.
      Pour le cas des magazines féminins : les femmes bi/homo/pan, les asexuel.les, les personnes trans*, les personnes racisées et les femmes dans leur ensemble qui ne supportent plus les injonctions à être minces, apprêtées, sexuelles, à l’écoute de leur conjoint sans contrepartie etc.

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